Technologies terrestres et spatiales

Différentes techniques d’observation peuvent servir à mesurer les coordonnées. Elles sont terrestres ou spatiales selon que l’observation se fait depuis la surface terrestre ou à l’aide d’objets dans l’espace. Avant l’avènement des satellites de navigation, les réseaux géodésiques étaient mesurés presque exclusivement par des méthodes terrestres. Les théodolites, les niveaux à bulle et les télémètres électroniques (TE) étaient les principaux outils à la base de la matérialisation de réseaux de référence horizontale et altimétrique (vertical) classiques sur le territoire canadien.

Au début des années 1980, la disponibilité de signaux radio de positionnement des satellites de navigation est venue révolutionner le domaine de l’arpentage. Les signaux hertziens émis par les systèmes mondiaux de navigation par satellite (GNSS) sont rapidement devenus la source privilégiée d’observations pour le positionnement, la navigation et la synchronisation (PNS). Durant la même période, la poursuite de signaux radio de sources astronomiques (interférométrie à très longue base, le VLBI) et la télémétrie laser sur satellites artificiels (satellitométrie par laser, le SLR) ont été utilisés pour suivre le mouvement des plaques tectoniques à l’échelle mondial. Le GNSS a largement servi à l’arpentage, mais l’interférométrie à très longue base (VLBI) et la télémétrie laser par satellite sont les technologies fondamentales qui ont permis de rattacher les cadres terrestres et célestes et soutenu le positionnement GNSS durable de haute précision.

Contrôle actif et contrôle passif

Les stations de contrôle actif sont des points de référence dotés en permanence de récepteurs GNSS qui effectuent la poursuite continue de tous les satellites de navigation visibles. Elles sont habituellement reliées à un réseau de communication assurant un accès distant aux données d’observation. Les stations de contrôle actif peuvent aussi diffuser des données de satellitométrie en temps réel, permettant ainsi un positionnement et une navigation précis par positionnement différentiel.

Les points de contrôle passif sont des piliers ou des repères au sol sur lesquels les utilisateurs installent leurs instruments d’arpentage pour se rattacher au cadre de référence et pour intégrer leurs levés. Les points géodésiques stables peuvent périodiquement être réobservés pour estimer leurs déplacements causés par la dynamique de la croûte terrestre. Les points de contrôle d’une moindre qualité permettent habituellement de valider des jeux de données géospatiales de faible résolution ou d’établir un lien moins précis entre un levé d’arpentage et le cadre de référence.

La hiérarchie des réseaux actifs et passifs est présentée à la figure 1. On trouvera plus de détails sur les réseaux actifs et passifs canadiens sur la page d'information du système canadien de référence spatiale de Ressources naturelles Canada (RNCan) (consulté le 18 octobre 2021).

Figure 1. Hiérarchie des réseaux de contrôle actif et passif au Canada

Réseaux horizontaux et verticaux

La séparation entre les réseaux géodésiques horizontaux et verticaux (altimétriques) provient des techniques d’arpentage classiques. Les méthodes de trilatération et les méthodes de nivellement ont également référence à différentes surfaces, l'ellipsoïde géométrique et le modèle du géoïde. Les réseaux horizontaux sont surtout formés de points distants de dizaines de kilomètres et situés en altitude, tandis que les lignes de nivellement relient des repères distants de quelques kilomètres le long des routes et des chemins de fer. Ainsi, au Canada, nos réseaux horizontaux et altimétriques sont raccordés par un nombre réduit de points communs.

Les points verticaux ont été observés par nivellement à bulle pendant presqu’un siècle. Le nivellement se fait par rapport au niveau moyen de la mer déterminé à l’aide de quelques jauges marégraphiques le long des côtes canadiennes de l’Atlantique, du Pacifique et de l’Arctique. En 1928, on a mené à bien le premier ajustement à l’échelle nationale de toutes les lignes de nivellement et créé le Système canadien de référence altimétrique de 1928 (CGVD 28). Jusqu’à la fin du XXe siècle, on a étendu et densifié ce premier réseau en ajoutant des lignes de nivellement et en les rajustant au fur et à mesure pour actualiser le réseau. Le réseau primaire du CGVD 28 compte actuellement quelque 80 000 repères altimétriques couvrant moins de la moitié de la masse terrestre du Canada. Jusqu’à récemment, LGC n’avait aucun moyen pratique ou économique d’étendre les lignes de nivellement vers le Nord.

Le CGVD 2013, matérialisé par le modèle du géoïde gravimétrique canadien de 2013, est récemment devenu la méthode d’accès au système altimétrique à travers le Canada. En appliquant les ondulations du géoïde aux altitudes ellipsoïdales observées par GNSS, les altitudes qui correspondent au niveau moyen de la mer et sont cohérentes avec la direction de l’écoulement des eaux sont maintenant disponibles partout au Canada. Fort de sa couverture pancanadienne et de sa précision centimétrique, le CGVD 2013 constitue un système de référence altimétrique uniforme pour tous les Canadiens. Pour les utilisateurs à l’intérieur de la couverture du réseau du CGVD 28, la transition au nouveau système de référence ne semble pas être une source de grands avantages à court terme à l’échelle locale. LGC s’attend à ce que le CGVD2013 se révèle bénéfique dans les années à venir à mesure que les données haute résolution observées sur de vastes zones et sur des couloirs étendus utilisant des capteurs aéroportés et satellitaires deviennent disponibles plus aisément.

Bien que d’une côte à l’autre les altitudes du CGVD 28 soient entachées par des erreurs systématiques au niveau du mètre, la matérialisation du géoïde du CGVD 2013 n’est pas biaisée à l’échelle du Canada et donne de meilleurs résultats pour la plupart des échelles spatiales. Du point de vue de la maintenance, elle est plus durable à long terme. Vous trouverez plus de renseignements sur la modernisation du système de référence altimétrique sur la page de RNCan consacrée à cette modernisation.

Réseaux tridimensionnels

La disponibilité des signaux des satellites de navigation a réduit considérablement le besoin d’intervisibilité entre les stations de contrôle et rendu possible la mesure des différences de coordonnées sur de plus grandes distances. Elle a aussi démontré qu’une plus grande précision relative était possible à presque toutes les échelles spatiales. Comme les signaux des GNSS ont une vaste empreinte, les utilisateurs peuvent maintenant accéder à des points géodésiques distants depuis le lieu de leur projet, ce qui simplifie considérablement la logistique sur le terrain et réduit les coûts associés. Un des plus grands avantages des systèmes de navigation par satellite est que les utilisateurs obtiennent d’emblée des coordonnées dans les trois dimensions. Les GNSS fournissent un contenu plus riche, soient les composantes horizontales et altimétriques de la position et peuvent donc satisfaire une plus grande diversité d’applications.

Au Canada, les points géodésiques actualisés en coordonnées tridimensionnelles forment la matérialisation du NAD 83 (SCRS) « Système canadien de référence spatiale ». La désignation SCRS reflète le caractère tridimensionnel des stations de contrôle et le niveau de précision nettement supérieur. Le SCRS peut donc être un appui pour les usagers de la géomatique et des géosciences qui exploitent une précision de positionnement allant du centimètre au millimètre des technologies GNSS, et qui exigent une fiabilité à long terme. Les stations de contrôle dans la matérialisation SCRS offrent également les altitudes par rapport à l’ellipsoïde à un niveau de précision comparable avec celui des modèles du géoïde récents. À cet égard, cette matérialisation incarne une exigence essentielle pour la modernisation du système altimétrique canadien, offrant la structure géométrique de base sur laquelle les ondulations du géoïde peuvent être ancrées.

Exactitude, précision et classification

La précision désigne l'incertitude "absolue" d'un point, c'est-à-dire par rapport au système de coordonnées. Dans un système terrestre global, par exemple, la précision d'une station de contrôle reflète l'incertitude de sa position par rapport à l'origine du cadre de référence, c'est-à-dire le géocentre de la terre. D'autre part, la précision relative est l'incertitude d'un point par rapport à d'autres dans son environnement. Par ailleurs, la précision décrit la capacité de reproduire ou de répéter des mesures avec une faible variance entre elles.

Les stations de contrôle établies par des méthodes terrestres manquaient d’exactitude, mais la plupart étaient précises à l’échelle locale ou régionale. On a traditionnellement utilisé différents « ordres » pour classifier leur précision relative. L’ordre d’une station de contrôle devrait refléter la taille de l’ellipse d’erreur dans laquelle devraient se situer les coordonnées par rapport aux points voisins à un niveau de confiance de 95 %. Différentes compétences à travers le Canada ont utilisé différents systèmes de classification pour décrire la précision des stations de contrôle dont elles diffusent les données. En règle générale, on a défini trois ou quatre ordres pour regrouper les stations de contrôle dans une marge de précision relative variant environ 1 et 30 parties par million (1 ppm = 1 cm/10 km). Les levés GPS assurent de nos jours une précision relative de 1 ppm ou mieux, mais les stations de contrôle d’un ordre inférieur qui sont établies par des méthodes classiques sont maintenant moins utiles, bien qu’elles contribuent toujours à la vérification de la qualité de l’imagerie de moindre résolution.

Depuis les 30 dernières années, l’utilisation des technologies spatiales a accru de trois ordres de grandeur l’exactitude et la stabilité des cadres de référence terrestres, passant  d’une précision de quelques mètres à quelques millimètres.  Ceci permet un suivi à long terme des petits déplacements dans des régions étendues, qu’il s’agisse de la dynamique de la croûte terrestre ou des variations du niveau de la mer. Les estimations réalistes de précision données par rapport au cadre de référence même viennent aussi faciliter le calcul de la précision relative pour différentes régions. Avec cette nouvelle réalité, les organismes adoptent un mode « ponctuel » de classification des points de contrôle par les critères nominaux d’espacement de réseau (niveau) et d’exactitude (classe). Ce nouveau cadre de classification reflète mieux la qualité des stations de contrôle tridimensionnel.

Services publics et privés

Encore récemment, les organismes publics étaient uniquement responsables de la mise en œuvre et de la maintenance de nos réseaux géodésiques nationaux (actif et passif). Cette responsabilité était surtout partagée par les ministères et les organismes des paliers fédéral, provincial et municipal. En temps normal, l’information géodésique de contrôle est librement diffusée pour une utilisation en temps réel ou en post-traitement. L’accès public garantit à tous l’accessibilité du géoréférencement suivant la norme du NAD 83 (SCRS).

Maintenant que des fournisseurs de services commerciaux de cinématique en temps réel (RTK) créent des sources privées d’information géodésique de contrôle, il devient essentiel d’intégrer tous les réseaux dans le NAD 83 (SCRS) pour maintenir la cohérence des coordonnées à l’échelle du Canada. Quand les abonnés des services RTK appliquent des données de correction GNSS à leurs propres données, ils se rattachent automatiquement au cadre de référence de la station de base par ses coordonnées attribuées aux stations de poursuite du réseau RTK. Il est donc essentiel que les utilisateurs soient informés de l’époque et du cadre de références utilisés par les différents fournisseurs de services. À l’heure actuelle, les stations RTK des fournisseurs principaux couvrent une grande partie des régions peuplées du Canada le long de sa frontière sud. Une initiative par la LGC est en cours pour s'assurer que tous les services de positionnement RTK disponibles au Canada attribuent des coordonnées de station de référence conformes aux normes nationales. Les détails de l’entente encadrant cette initiative sont disponibles sur site de surveillance du Réseau en temps réel de RNCan.